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DE L’AVENIR DES RELIGIONS.

terre où il est né. Adieu les palmiers de Job, adieu le mont de Zoroastre, adieu les fleuves de Brahma. À cette fraîche parole des Évangiles, à cette vierge du vieux monde, cherchez, comme elles, de fraîches solitudes où elles seules ont passé, des sources dans les bois où nul n’a puisé, que les passereaux des paraboles, et pour un autre dieu, d’autres arbres, d’autres lieux, d’autres monts, d’autres eaux ; car c’est le caractère des premiers temps du christianisme que de découvrir à tout prix des solitudes dont l’histoire n’a point encore reproduit tout entier le génie éternel. Il traverse l’Italie et la Grèce antique ; mais il n’établit ses chapelles et ses monastères que dans les lieux inconnus où il trouve des formes à recueillir après le polythéisme. Encore altéré de l’ardeur des déserts d’Arabie et du ciel de l’Iran, il s’achemine, il se presse au plus tôt vers les ombres du nord ; il ne s’arrête que lorsqu’il a atteint l’horizon des Gaules, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Alors, au sein d’une nature jeune comme lui, inspirée comme lui, il s’incorpore à elle ; et, jusque là flottant et dénué, il achève de s’organiser dans le catholicisme. Tout ce qu’il a trouvé sur sa route, et tout ce qui vit autour de lui, fleurs, eaux, formes, esprits cachés dans les montagnes, dans les forêts, dans les replis des rocs, pics aiguisés des Alpes, ombres des pins, pierres oubliées des druides, il recueille tout cela, comme l’oiseau fait son nid. Il s’en vêtit ainsi que d’un manteau contre les froids d’hiver, et, sentant que c’est le lieu où il doit s’arrêter, il se bâtit de ces objets épars des abris gigantesques, d’obscures cathédrales pour y passer sans remuer les siècles qui lui restent.

Appliquons ceci à l’époque où nous sommes. Si de ce long travail de l’humanité contemporaine, si de cette