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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

loi des choses, qu’à mesure qu’une face nouvelle de sa propre pensée se découvre à l’humanité, elle va chercher, pour l’y développer, un univers nouveau comme elle. Comme l’oiseau, dès qu’il est né, s’en va trouver sans les connaître le climat et l’abri qu’il lui faut ; comme la plante se lève dans la nuit pour aspirer les rayons du matin qui ne luit pas encore ; comme la source cachée prend la voie la plus courte, et descend vers le lac qu’elle n’a point aperçu, toute idée religieuse, sitôt qu’elle est éclose dans le génie d’un peuple, se lève, et va chercher à travers la nature le type qui la doit arrêter. De là l’histoire ne connaît point d’établissement de culte qui n’ait été en même temps une émigration de race. L’apparition du culte de Boudha décide le premier mouvement de la branche indo-germanique depuis l’Himalaya jusqu’au Taurus. Les dieux des peuples Grecs, indécis aux portes du Caucase, grandissent et s’achèvent dans le chemin des tribus, et s’accroissent de chaque objet qu’ils rencontrent en passant. Le christianisme aussi est d’abord, en naissant, une idée nue et dépouillée, tombée de l’âme humaine sur les confins du monde oriental. Pour qu’elle n’y périsse pas sur la grève, comme l’œuf de l’autruche, à la première brise, il faut qu’elle aille s’organiser dans la nature avec le type qui lui répond, et s’enchaîner à la forme des montagnes et des rocs immobiles. L’Orient a tout usé ; à la pensée qui vient de naître, il n’offre qu’un éternel retour vers les pyramides de la race de Cham, que le parfum évanoui des bananiers de l’Inde, que le symbole délabré des lions de la Perse ; et le monde moral qui commence à paraître a besoin de s’assimiler un monde physique, aussi nouveau que lui. Aussi le premier mouvement du christianisme est de quitter la