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LES ALBANAIS EN ITALIE.

me prêter, j’ai trouvé un petit écrit fort rare d’Angelo Masci, Italo-Albanais lui-même, littérateur de talent, mort à Naples il y a quelques années. Il fait des rapprochemens ingénieux entre ses compatriotes et les Germains, dont Tacite a décrit les mœurs âpres et primitives. Ils ont, en effet, en commun l’amour des armes et de la liberté, passion innée de tous les peuples non encore atteints par le fleuve lent, pacifique, mais énervant de notre civilisation européenne.

Sur d’autres points, ils diffèrent totalement. Les femmes, par exemple, objet d’un respect si touchant, d’un culte si pur chez les Germains, jouent chez les Albanais un rôle bien inférieur ; la femme n’est ici que l’ancella de la maison. L’esclavage domestique n’est plus dans la loi, mais il est dans les mœurs, et il est complet. La jalousie, autant que l’habitude, perpétue cet esclavage, car sur l’article de la fidélité conjugale on dit l’humeur des maris soupçonneuse et vindicative. Les femmes sont fort ignorantes ; celles des dernières classes travaillent aux champs, les autres n’ont d’occupation que leur quenouille, et se consolent de leur nullité en nourrissant leurs enfans ; mais leurs lumières maternelles ne sont pas encore arrivées jusqu’à l’abolition du maillot.

Monseigneur m’a mis au fait de divers usages du pays. Les formalités des funérailles sont celles d’un peuple demi-sauvage, et les mêmes encore en vigueur dans les montagnes d’Albanie. Les parens et amis se réunissent dans la maison du mort ; on le revêt de ses plus beaux habits, et on le porte à l’église assis, et le visage découvert. Tous les assistans l’accompagnent en poussant des gémissemens et des sanglots ; femmes et hommes s’arrachent les cheveux, se frappent la poitrine