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acte), il ne put le comprendre qu’en voyant le quatrième, son rayon jumeau, selon notre comparaison. — Il est incroyable combien cette symétrie de l’ensemble se retrouve dans les détails, en regard Borgia et Concini, la maréchale et Isabelle, Picard et Samuel, de Luynes et Déhajeau, madame de Rouvre et madame de Moret : tout va avec son pendant analogue ou dissemblable ; tout a son contrepoids, sa seconde partie ; les monologues, les scènes se balancent : Concini séduit la femme de Borgia ; pendant ce temps, Borgia est aux pieds de la femme de Concini, et sans nombre ! Il en résulte une singulière et puissante unité, mais peut-être bien savante et d’un artifice qui séduit trop l’auteur. Sans doute dans la nature les contraires ainsi joutent et se croisent ; mais dans le grand espace de temps et de lieu qui leur est ouvert, on ne peut saisir ces continuelles dualités. Ici le lieu est étroit, le temps est court, l’optique a l’air de nous tromper : ce qui semblerait un hasard dans les combinaisons secrètes de la vie nous paraît ici d’un calcul trop habile. — De tout ce qui précède on peut donc conclure que, pour avoir ses inconvéniens, le système de composition de M. de Vigny atteste une grande force de coordination : il est surtout original et unique, d’autant qu’il amène, je ne sais par quel ressort secret, de larges développemens shakespeariens, souvent même plus larges que ne le demanderait un parterre français.

Cela dit, nous nous garderions d’un mot de critique touchant cette rencontre, au cinquième acte, de Borgia et de Concini, rencontre que l’on pourrait croire le plus artistement préparée, et que nous croyons jetée dans la gradation nécessaire des choses. À ce point où est arrivée la fortune décroissante de Concini, il faut que les faits se heurtent et se précipitent ; les plus incroyables seraient presque les plus vrais. Les malheurs long-temps suspendus sur la tête de Concini ont rompu le lien qui les arrêtait : vienne donc sur lui le dernier de tous. Que l’homme qui le cherche inutilement depuis des années le rencontre enfin ! que ces deux nuages