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SCÈNES DU DÉSERT.

II.
UN PALAIS DÉSERT.
Au nom de Dieu, clément et miséricordieux. Ô infidèles idolâtres ! je n’adore pas ce que vous adorez, et vous n’adorez pas ce que j’adore.
Al-Koran, chap. des Infidèles écrit à la Mecque.


C’était, comme on l’a pu entendre, un jeune enfant arabe qui avait reçu les ordres laconiques du cheik par la voix de sa fille. Ce bel enfant, entièrement nu, et dont la tête seule était couverte d’une calotte rouge, sauta promptement sur la jument, toute sellée, qui était attachée derrière la tente, et qui se mit à bondir sitôt qu’elle sentit son pied dégagé de l’anneau de fer qui la retenait ; elle s’enleva et sauta trois fois avec des mouvemens onduleux et gracieux, comme pour délasser ses membres vigoureux de leur longue contrainte ; et puis, après que son jeune cavalier eut pris sa lance de seize pieds, et jeté un regard sur les étoiles, pour se diriger dans le désert comme un pilote sur la mer, la belle cavale partit au galop, et passa si légèrement sur le sable, que l’on aurait pu croire ses pieds garnis d’une enveloppe de velours ; on les entendait à peine retomber sur le sol, et elle semblait se guider elle-même dans l’ombre, car la haute selle qu’elle portait enveloppait entre les arçons et son siége et cachait presque entièrement le petit Bédouin. Ce jeune et hardi cavalier, quittant les colosses de la plaine, que les Arabes nomment Tâma et Châma, tourna vers le sud-ouest pour trouver le chemin qui borde le désert ; et, remontant contre le cours du Nil, il traversa d’abord un petit bois d’acacias