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CONSTANTINOPLE EN 1831.

vement avec un pestiféré sur le dos, et le pompier marchandait ou versait de l’huile au milieu du feu. La majesté du sultan était presque toujours cachée derrière les triples murs du sérail ; s’il apparaissait, c’était, ou inconnu au milieu de la foule, écoutant des plaintes, et désignant des coupables, ou mystérieusement voilé par les hautes plumes de héron de ses pages, et alors les Musulmans baisaient la terre de peur de rencontrer l’éclair de ses regards.

Aujourd’hui les Turcs, avec leurs fessis, leurs vestes étriquées, paraissent mesquins, grêles ; leur démarche est empruntée, et ce n’est que parés du mantelet espagnol qu’ils reprennent de la noblesse. Cependant ils sont déjà plus dégagés : la pensée suivra le mouvement du corps. Ils ont quitté les hautes selles de velours et l’étrier tartare. Ils étudient les manières du Franc, qui passe orgueilleusement au milieu d’eux, respecté et envié, portant avec fierté sa tête au milieu de sa cravate. Les pachas, les ridjals[1], viennent dans les cercles européens, humbles, embarrassés, ridicules copies de nos mœurs, et s’enivrant avec aisance.

Les jeunes Grecques dansent la romaïka devant le sultan ; des chanteuses sont à ses gages. Sous ses fenêtres, et à la tête des régimens, l’on entend la musique de Rossini et la Marseillaise. S. H. se montre dans les palais des ambassadeurs et donne des audiences privées. — Ses femmes sont moins entourées de gardes qu’autrefois, lorsqu’elles se promènent au mois de mai sur les pelouses de la vallée des Eaux douces, et l’importation des eunuques est moins considérable. Les esclaves ont moins à craindre la fureur de conversion

  1. Les grands.