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LITTÉRATURE.

les îles, c’était bien là pour lui le pays enchanté où l’on demeure et où l’on oublie. Combien de fois sur ce rivage admirable, appuyé contre une colonne, et la vague se brisant amoureusement à ses pieds, il dut ressentir, durant des heures entières, ce charme indicible, cet attiédissement voluptueux, cette transformation éthérée de tout son être, si divinement décrite par Chateaubriand au cinquième livre des Martyrs ! Ischia, qu’a chanté Lamartine, fut encore le lieu qu’il préféra entre tous ces lieux. Il s’y établit, et y passa la saison des chaleurs. La solitude, la poésie, l’amitié, un peu d’amour sans doute, y remplirent ses loisirs. M. Colin, jeune peintre français, d’un caractère aimable et facile, d’un talent bien vif et bien franc, se trouvait à Ischia en même temps que Farcy ; tous deux se convinrent et s’aimèrent. Chaque matin, l’un allait à ses croquis, l’autre à ses rêves, et ils se retrouvaient le soir. Farcy restait une bonne partie du jour dans un bois d’orangers, relisant Pétrarque, André Chénier, Byron ; songeant à la beauté de quelque jeune fille qu’il avait vue chez son hôtesse ; se redisant, dans une position assez semblable, quelqu’une de ces strophes chéries, qui réalisent à la fois l’idéal comme poésie mélodieuse et comme souvenir de bonheur.

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l’onde transparente
Deux couples par l’amour conduits,
Tandis qu’une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !

En passant à Florence, Farcy avait vu Lamartine ; n’ayant pas de lettre d’introduction auprès de son illustre compatriote, il composa des vers et les lui adressa ; il eut soin d’y