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FORMULE GÉNÉRALE DE L’HISTOIRE.

Dans le poème, pour réaliser l’idée générale que je viens d’énoncer, M. Ballanche nous fait assister au spectacle de la Grèce encore barbare, mais naissant à la vie sociale, obéissant à l’influence civilisatrice de l’Égypte, ou, comme il le dit lui-même, à l’enfantement merveilleux de l’occident par l’orient.

Il nous montre, à la première lueur des temps historiques, le peuple d’Égypte déjà vieux, racontant une histoire de plusieurs siècles, pendant que les autres peuples, encore à leurs premiers pas, bégayaient à peine leurs premiers mots.

La terre qu’il habitait était évidemment nouvelle, et, par un contraste bizarre, les monumens qui la couvraient attestaient la haute perfection de l’art qui les avait élevés ; il fallait donc que cet art eût grandi, se fût développé ailleurs, ou bien qu’il fût descendu du ciel sur les ailes dorées de la révélation.

Ce peuple ne savait rien de son origine. Dès le commencement des âges, il paraissait s’être trouvé sur ce coin de terre, voyageur égaré, perdu. Là, entre des mers, des montagnes inaccessibles, sur une boue fangeuse, sans cesse menacé par l’océan, il avait dû avoir long-temps une existence misérable et précaire. Mais alors même il n’avait pas été exclu des harmonies providentielles établies entre la terre et l’homme. Par un décret spécial, ses destinées avaient été confiées au fleuve merveilleux du Nil. Ce fleuve, qui sans doute avait coulé long-temps obscur, ignoré, se montrait tout à coup large, rapide, comme accourant dans toute sa puissance pour accomplir sa mission. On voyait que, se précipitant contre l’océan, il l’avait forcé à reculer, que du limon mêlé à ses eaux il avait créé tout à coup, sur l’espace qu’il venait de conquérir, un sol tout nou-