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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

n’altère point l’identité d’essence. C’est donc le même problème du retour à l’unité, que je posais tout à l’heure, et que la suite de la Palingénésie essaiera sans doute de résoudre.

Quoi qu’il en soit, c’est toujours par l’idée qu’il s’est faite de la mission terrestre de l’homme, que M. Ballanche s’explique les origines du langage, de la croyance et de la société.

Il croit que, si la terre devait contenir l’homme tout entier, il eût peut-être été appelé à créer lui-même l’ordre social, à inventer les langues, à s’élever jusqu’aux croyances, que c’eût été là une assez éclatante couronne pour prix de ses efforts ; qu’au contraire, si cette terre n’est qu’un lieu de passage où aussitôt entré il doive travailler sans relâche à son perfectionnement intellectuel et moral, il a fallu qu’il reçût d’une main inconnue ce qui fait de lui un être intellectuel et moral, c’est-à-dire la société, les langues et les croyances : il a fallu qu’il y fût né, qu’il les sût avant de les avoir apprises, qu’il naquît en quelque sorte avec un passé, tel enfin que nous le montre l’Écriture, homme et non pas enfant. Nous voyons en effet la société, qui est pour l’individu ce que Dieu fut pour l’homme primitif, ne déposer cet individu dans la vie active qu’après l’avoir muni d’un enseignement prématuré.

Mais a-t-il existé un premier peuple dont tous les autres peuples qui ont paru sur la scène du monde seraient descendus ? Eut-il une religion dont toutes les religions postérieures ne seraient que des altérations plus ou moins incomplètes ? A-t-il parlé une langue dont nous redisons encore les sons affaiblis et dénaturés par les échos qui nous les ont transmis de siècle en siècle ?