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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

lement par quelques modifications purement extérieures qu’ils diffèrent : un abyme est entre eux. L’intelligence humaine n’existe pas aux mêmes conditions, n’obéit pas aux mêmes lois chez tous ; et alors, si nous nous reportons à l’époque où écrivait M. Ballanche, nous ne nous étonnerons plus de l’irritation des partis, des conspirations qui éclataient çà et là, de l’impatience de tous d’en appeler à l’épée, même de l’empressement d’une faction à se jeter sur le couteau sanglant de Louvel pour en frapper les libertés publiques ; nous verrions là comme deux races d’hommes vivant sur le même sol et se le disputant, deux races se repoussant par tous les points, et devant se combattre par toutes leurs facultés.

Ce fut cependant en proposant cette hypothèse, qui semblait devoir rendre toute conciliation impossible, que M. Ballanche essaya de rapprocher les doctrines ennemies.

Il supposait également vrais les deux faits qui servent de fondement à chacune d’elles, et il établissait entre ces deux faits un rapport de succession nécessaire, considérant le second comme un résultat inévitable du premier ; tous deux comme également légitimes à deux époques de l’histoire de l’humanité.

Ainsi, il disait que la parole avait été originairement nécessaire à l’homme pour penser ;

Qu’une langue primitive lui avait été révélée, où se trouvaient déposées les idées sociales et religieuses propres à son développement moral ;

Que cette langue se trouvait en quelque sorte écrite dans l’ensemble des institutions sociales où il était né ;

Qu’alors, et tant que l’œuvre de l’homme avait dû être de conserver la société telle que Dieu l’avait faite, la tradition entre les mains de ceux qui avaient mission