Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
JÉRUSALEM.

cacité qu’on le reçoit les premiers ; enfin on voit sortir des orifices un feu brillant, clair, sans fumée, et dont l’origine artificielle est bien reconnaissable. En ce moment, hommes, femmes, enfans, tous se précipitent avec une égale fureur pour le saisir. Des torches allumées le répandent dans le temple ; au même instant, la porte du saint Sépulcre s’ouvre, et l’archevêque grec, porté par quatre hommes, paraît dans une sorte d’exaltation, les cheveux et la barbe en désordre, les mains pleines de ce feu, et ayant plutôt l’air d’un maniaque que d’un ministre de la religion.

Tel est le singulier spectacle qui attire à Jérusalem la plus grande partie des pélerins grecs et arméniens, et que les prêtres de ces deux religions considèrent comme le moyen le plus efficace d’augmenter le revenu de leur église. Ne sachant comment excuser ou seulement expliquer ce scandale, les Grecs éclairés, parmi lesquels on distingue le célèbre Coraï, ont prétendu que cette coutume était une intervention des moines latins du ixe siècle, une imitation de la descente du feu que sainte Radegonde prétendit avoir vu dans le couvent de Poitiers qu’elle fonda en 569. Ils allèguent pour preuve le silence des apôtres et des Pères de l’Église sur ce sujet, et celui des historiens qui ont parlé du séjour des impératrices Hélène et Eudoxie à Jérusalem. Ce silence est sans doute une forte présomption ; mais on ne peut le regarder comme une preuve qui, d’ailleurs, se trouverait opposée à l’assertion de plusieurs autres écrivains, tels que Nectarius qui publia une histoire non interrompue de la lumière sainte, une sorte de chronologie de ce miracle, et Cantacuzène qui appelle en témoignage de sa véracité les Musulmans eux-mêmes.