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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

ticipée du christianisme ; on dirait quelquefois une fille chrétienne égarée dans les murs de Thèbes, et à défaut du cirque, confessant devant Créon la religion du sacrifice et du dévouement.

D’ailleurs, dans un certain ordre d’idées, Antigone est vraiment contemporaine de tous les temps ; fille de l’inceste, héroïne de toutes les piétés, elle est un symbole de l’humanité déchue, ayant le ciel pour but. Par là M. Ballanche se trouvait merveilleusement propre à traiter ce beau sujet, lui qui devait être le poète, le philosophe, l’historien de cette doctrine de la déchéance ; aussi ce poème est-il demeuré comme le prologue des ouvrages qui l’ont suivi ; son admirable poésie, de même que les sons d’une musique harmonieuse dans les anciennes initiations, dispose l’esprit du néophyte aux vérités du sanctuaire.

Ce fut en 1818 que M. Ballanche s’adressa pour la seconde fois au public ; il lui présentait un Essai sur les Institutions sociales. Ce livre, fruit de longues études et de solitaires méditations, contenait déjà toute une philosophie de l’histoire, une espèce d’éclectisme politique, où M. Ballanche, au moyen d’une hypothèse nouvelle sur le rôle réciproque de la parole et de la pensée dans le développement de l’humanité, espérait concilier des doctrines jusque-là opposées, voire contradictoires. Mais en même temps M. Ballanche s’occupait beaucoup des événemens contemporains ; c’était aux faits du moment, à ce qui se passait sous nos yeux, qu’il appliquait de préférence ses théories ; et par là il faisait aussi de son livre un livre de circonstance. C’est en me plaçant moi-même à ce double point de vue que j’essaierai de l’analyser.