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VOYAGES.

autels. La religion est un moyen si puissant de dominer l’ignorance et la crédulité, qu’on ne néglige point de s’en servir à Manille pour maintenir la paix et la soumission au milieu des Indiens. Comme tous les peuples privés de moyens d’instruction, ces bonnes gens sont aveugles dans leur foi et fanatiques dans leur croyance. Tous les soirs, sur les six heures, ils se réunissent en famille, et prient à haute et intelligible voix. En passant à cette heure-là dans les rues, on a les oreilles étourdies du bourdonnement de toutes ces voix qui, du reste, ne comprennent rien à ce qu’elles prononcent. Chaque individu est couvert de paquets d’amulettes, comme les musulmans de la côte occidentale d’Afrique.

Le nombre des Chinois habitans de la ville est considérable. Ils font presque exclusivement le commerce intérieur, tant en gros qu’en détail. On trouve parmi les hommes de cette nation d’habiles artisans de tous genres ; ils excellent surtout à faire la pâtisserie. Du reste, intrigans et voleurs à l’excès lorsqu’ils ont affaire à des étrangers, ils cherchent par tous les moyens possibles à leur vendre leurs marchandises le double de leur valeur, et à les tromper, soit sur le poids, soit sur la qualité. Malheur à l’acheteur distrait ; s’il lui arrive de tourner la tête, il est bien sûr de trouver une marchandise de qualité inférieure à la place de celle qu’il a cru acheter.

Les voitures sont encore plus communes à Manille qu’à Java. On ne sort presque jamais à pied. La promenade a lieu depuis six heures du soir jusqu’à la nuit, et plus tard. Les promenades pour les carrosses sont en dehors de la ville de guerre. On les voit couvertes, à certaines heures, comme les Champs-Élysées et le bois de Boulogne, de toute sorte d’équipages.