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VOYAGES.

crainte ; ils parurent ne pas savoir à quoi se déterminer, et se demander s’ils pouvaient se fier à notre invitation de se joindre à nos guides. Un de ces hommes s’empressa cependant de nous aller chercher, à une fontaine voisine, de l’eau fraîche qu’il nous apporta dans un long bambou, et qui nous servit à éteindre une soif comparable à celle de Tantale. Nous prîmes ensuite la véritable route de Bosoboso, et nous arrivâmes enfin une heure après à ce village.

Toute la caravane alla descendre chez le curé de l’endroit, où notre estafette, parti le matin après nous, était arrivé dans la journée pour faire préparer le souper. On avait désespéré de nous revoir ce jour même. Il était deux heures après minuit quand nous mîmes pied à terre. Le curé, qui était couché, se leva de suite pour nous recevoir et faire servir un frugal repas. J’en pris ma part avec un plaisir infini, comme on peut le penser, et je ne me fis pas presser pour aller me coucher. Quelque dur que fût mon lit, jamais je n’ai dormi d’un pareil sommeil, même sur la plume et l’édredon.

Au point du jour, le guide que nous avions trouvé au milieu des bois à dix heures du soir, vint réclamer auprès de moi le salaire que je lui avais promis. C’est de bien bon cœur que je lui donnai dose pesos, deux piastres, dont il se montra satisfait. Le service qu’il nous avait rendu ne pouvait trop se reconnaître ; sans lui, je ne puis dire ce qu’il fut advenu de nous au milieu des forêts et sans boussole.

Pendant cette terrible, journée je ne récoltai, en fait d’objets d’histoire naturelle, qu’une espèce très-belle d’hedysarum, inconnue jusqu’alors[1]. Je la cueillis dans

  1. Je la nommai H. Tuasonii en l’honneur de M. Tuason.