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VOYAGES.

d’après les hurlemens qu’ils poussaient, et que répétaient les échos d’une manière effrayante. Lorsque nous les supposâmes à portée de fusil, nous fîmes une décharge complète, qui les épouvanta tellement, qu’ils se sauvèrent à toutes jambes, et s’enfoncèrent dans l’épaisseur des bois. Nous rechargeâmes aussitôt nos fusils, nous disposant à faire feu de nouveau ; mais nous n’entendîmes plus rien. Un silence profond succéda aux cris perçans dont nous étions étourdis un moment auparavant. Nous continuâmes à suivre le bord de la rivière, que nous descendions à pied, tenant nos chevaux par la bride, de crainte d’accident. Nous allions en avant, toujours dans l’espérance de trouver un chemin frayé. J’étais tellement harassé de fatigue, que, ne pouvant plus mettre un pied devant l’autre, je me déterminai enfin à proposer d’établir un camp volant, et d’y passer le reste de la nuit ; d’allumer des feux pour nous garder et nous sécher, car nous étions trempés jusqu’aux os.

Les Indiens rejetèrent cette proposition. Ils voulaient continuer à faire route, plutôt par la frayeur qu’ils avaient d’une seconde attaque, que dans l’espérance, comme ils le prétendaient, de se retrouver. Dix heures étaient passées ; nous gravissions des lieux raboteux où nous courions mille dangers. Tout à coup de nouveaux cris vinrent troubler encore le silence de ces vastes solitudes. Ce n’étaient plus, cette fois, des cris menaçans, c’étaient les gémissemens lugubres et plaintifs d’une voix qui réclamait du secours. Chacun arma son fusil, et nous marchâmes bravement sur le point d’où partaient ces sons tristes et douloureux. Nous arrivâmes ainsi au sommet d’une montagne, l’arme au bras et prêts à faire feu. Nous distinguâmes la voix assez clairement pour penser que c’était quelque pâtre qui criait