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MANILLE.

était de persévérer dans la même direction. Cependant, après avoir marché fort long-temps, nous nous trouvâmes égarés plus que jamais. Nous arrivâmes dans un vallon arrosé par une rivière, et entouré de montagnes s’élevant à pic sur nos têtes, et sur lesquelles nous n’apercevions que des bois touffus dont la couleur sombre était effrayante. Pour comble de malheur, le sentier que nous avions suivi jusqu’à ce point s’y terminait. La nuit était des plus profondes ; à peine pouvions-nous nous distinguer à cinq pas. Le courage commença à nous abandonner ; la peur s’empara des Indiens qui m’accompagnaient. Nous essayâmes cependant de suivre le cours de la rivière, et nous avions à peine fait quelques pas, que des cris aigus et prolongés se firent entendre ; ils semblaient approcher à chaque instant. La rive du fleuve que nous longions devenait de plus en plus impraticable par la quantité de pierres et de lianes qui en obstruaient le passage. Il ne manquait à notre malheureuse caravane que cette circonstance pour rendre sa position des plus affreuses. Le sergent que m’avait donné le corrégidor était heureusement un homme courageux. Il prit le commandement d’un ton militaire, fit faire halte à la petite troupe, qui était toute armée. On chargea les fusils, et on attendit, rangé en ordre de bataille, le signal du combat. Les cris se multipliaient de plus en plus, et commençaient à retentir très-près de nous. Nous n’eûmes plus de doute sur les causes de ces vociférations. Un sifflement prolongé de flèches qui passèrent sur nos têtes nous convainquit que c’était une attaque de Maures, contre lesquels nous n’avions d’autre parti à prendre que de nous mettre sur la défensive. Nous ne pouvions apercevoir les sauvages ; mais leur nombre nous parut considérable,