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ALBUM.

voyons. — Je fus de l’avis de mon artiste, et il me donna encore quelques nouvelles explications.

Cette femme, reprit-il, veut avoir le portrait de son mari, demande un peintre dans ses connaissances ; on en a bientôt trouvé un… Le monsieur, exclusivement occupé de ses affaires, ne voit pas le monde, et s’occupe fort peu de sa toilette ; mais sa femme ne veut pas qu’il soit accroché dans leur salon, dans son costume de tous les jours, elle tient surtout à ce que sa barbe soit faite, à ce que sa vilaine cravate noire, grasse et luisante, soit échangée contre une autre d’une blancheur éblouissante ; à ce que ses cheveux, si mal entretenus, soient ce jour-là frisés et pommadés, et sa veste de travail remplacée par un habit neuf qu’il mettra ce jour-là pour la première fois. C’est dans cet état si opposé à ses habitudes que le brave homme se présente chez l’artiste.

Au bout d’un instant, l’ennui s’empare du personnage ; sa physionomie si gaie et si ouverte prend une teinte sombre, ses yeux se ternissent, sa bouche perd de sa grâce habituelle, et le portrait est manqué ; les amis et connaissances, auxquels le tableau est soumis, sans apprécier les motifs, ne le trouvent pas réussi ; et Dieu sait comment ce pauvre artiste est traité. Donc faire le portrait n’est pas chose facile. Nous citerons cependant celui de M. le maréchal Maison, par M. Léon Coignet, ceux de MM. Langlois, Drolling, Rouillard, Champmartin, Steuben, Decaisne, Court, Bouchot, etc., sur lesquels nous aurons à revenir, et principalement les délicieuses miniatures de madame de Mirbel, qui, à mon avis, s’est élevée dans ce genre de peinture au plus haut degré de perfection. Je vous donnerai dans ma prochaine lettre de plus amples détails ; mais malgré l’inévitable quantité de mauvaises choses, l’ensemble de l’exposition est encore des plus satisfaisans.


Henry Monnier