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ALBUM.

Garden ou de Drury-Lane avec toute la profondeur de rêveries, d’émotions de mistriss Siddons, et elle vient d’ajouter à cette puissance tragique (la première au théâtre) celle que donne une observation fine de la société ; c’est un talent complet, et dont l’avenir est bien vaste, heureusement pour Paris et pour l’art dramatique. Le rôle de madame d’Hervey m’a fourni une observation nouvelle sur ce talent de bien dire, si rarement compris ; il ne consiste pas dans cette sorte de chant trop usité depuis longues années, et qui n’est bien placé que dans les périodes larges et longues du vers alexandrin pompeux et antique. Dans les vers qui sont un chant eux-mêmes, et dont chaque syllabe est une note, l’acteur est bien contraint d’être chanteur malgré lui-même ; mais dans les vers modernes et brisés, ou dans la prose, rien de plus monotone et de plus froid que ces tirades scandées, mesurées, balancées comme des adagios et des allégros. On essaie depuis quelque temps une autre manière à la scène, mais en changeant de route, les comédiens ont trouvé d’autres écueils. Quelques-uns à force de couper et de heurter leur débit, de prendre ce qu’on nomme des temps (qui sont les soupirs et demi-soupirs de la musique), à force de chercher le naturel, l’abandon et la franchise, sont tombés dans la trivialité, la mauvaise grâce et la grossièreté. Bien dire n’est pas seulement non plus prononcer nettement et proprement, c’est choisir dans les mouvemens naturels et vrais de son cœur ceux qui sont beaux suivant l’art, car s’ils ne l’étaient que suivant la nature seule et à tout hasard, ce ne serait pas assez. Ainsi, avant le rôle de madame d’Hervey, la même actrice avait montré dans Charlotte Corday (aujourd’hui parodiée aux Français), dans l’Incendiaire et dans Marie Beaumarchais, toute une science variée et profonde, qui consiste à se tenir toujours près de la nature et toujours dans l’art. C’est là le chemin de tout comédien véritable, il faut s’y tenir sans dévier, autrement on se perd ou dans la phrase ampoulée ou dans le mot trivial.

Revenons à la pièce, l’acte le plus brillant est le qua-