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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

des présens pour honorer la dépouille mortelle de la vierge magnanime. On la couvre de ces présens. Puis la poussière du tombeau achève de la dérober aux regards.

Le dernier cri d’adieu, mêlé au cri nuptial de Thalassus, retentit dans les airs. À ce moment, la douleur, qui avait été contenue, ne connaît plus de bornes. Icilius et Numitorius versent d’abondantes larmes. La nourrice pousse des cris lamentables. Le patron se retire dans ses foyers, pour y gémir en silence.

L’Aventin, lieu célèbre par la première sécession, avait été, peu d’années auparavant, concédé aux plébéiens ; c’est sur cette colline que se passe la scène des funérailles, d’abord calme et sublime, ensuite terrible et menaçante. La multitude est enivrée à la fois et de sa misère et d’une soif ardente de l’initiation.

Ainsi la solennité des rites funèbres, la majesté de la douleur, avaient comme suspendu le mouvement irrésistible de la sédition ; maintenant que la terre pose sur la touchante victime, la sédition rentre dans toute sa violence : elle ne pourra plus être comprimée que par l’apaisement de ses justes plaintes.

À Rome, tout était dans la confusion.

Hors de Rome, la révolte prend la forme de l’ordre. À une discipline violée succède immédiatement une autre discipline. Les soldats, en même temps qu’ils abandonnent leurs chefs, nomment des tribuns militaires : dix, dans l’armée de Fabius ; dix, dans l’armée de Cornélius.

Les deux armées, conduites par les chefs qu’elles se sont donnés, marchent sous les insignes qui ont reçu leurs sermens, et vont camper sur l’Aventin.

Ceux des plébéiens qui n’avaient pu assister aux fu-