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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

« Adieu, riantes prairies où j’égarai mes pas ! Murs sacrés de Rome, colline auguste et funeste du Capitole, adieu !

» J’aime Icilius ; mais Icilius ne pouvait être mon époux glorieux, et je meurs ! La communication des choses divines et humaines nous était refusée, et je meurs ! Je meurs pour ne plus devoir le feu et l’eau à un patron ! Ah ! mes paroles ne prononceront point d’anathème ! Mes paroles veulent rester innocentes comme le fut ma vie. Je meurs vierge et sans tache, et je vais dans un lieu où toutes les cordes de la lyre rendront des sons harmonieux sous mes doigts. Doux éclat du jour, adieu ! Adieu, riantes prairies où j’égarai mes pas ! Murs sacrés de Rome, colline auguste et funeste du Capitole, adieu ! »

La jeune fille avait cessé de chanter, et le majestueux silence continuait. Sans doute ; il serait impossible de dire les pensées diverses et confuses dont tous étaient péniblement occupés. Et toutefois l’admiration dominait le chaos des pensées.

« Qui parle de mort ? » s’écrie enfin le décemvir éperdu.

« Qui parle de mort ? » répond avec angoisse la multitude.

« Qui parle de mort ? » disent à leur tour les jeunes sénateurs, tout à l’heure si ardens à la vengeance, et maintenant si consternés.

Les licteurs eux-mêmes se disent entre eux : « Qui parle de mort ? »

Mais le centurion, qui était venu sans armes parce qu’il s’était furtivement échappé du camp, le centurion mesure d’un œil inquiet et farouche la distance qui le sépare de la boutique d’un boucher. Il aperçoit sur