le voyez, l’embat[1] entre dans le golfe, il dépasse les hauteurs d’Épidaure ; ne perdons pas un temps précieux. » — Ils disent, et déjà nos tapis, quelques provisions de voyage, des cartes géographiques, Pausanias, Anacharsis, des armes, sont jetés à la hâte sur le caïque qui va nous porter dans l’Attique ; on exhibe à la garde du port l’indispensable diavatir[2], elle nous répond par le calo catavodio[3] d’usage ; la brise enfle rapidement nos voiles rouges tissues d’un coton léger ; l’ancre se lève et nous voguons.
Le cap de Vénus est bientôt doublé ; nous découvrons alors Mégare, assise au pied d’une haute montagne : on croirait voir une ville, hélas ! et ce n’est plus qu’une triste solitude où sur les débris des temples jadis consacrés à la nuit viennent hurler les loups et les chacals. N’approchons pas trop du rivage, peut-être nous laisserait-il apercevoir quelques-uns de ces hideux Afrits, de ces génies malfaisans qui, suivant les traditions de l’islamisme, président aux ruines : nous les verrions foulant aux pieds les chefs-d’œuvre de Phidias, d’Eupalinus, de Scopas, de Praxitèle, et les élémens d’Euclide, insulter aux mânes d’Alcmène, de Térée et d’Iphigénie.
Il y a près de deux mille ans que la position où nous nous trouvions alors, et l’état de décadence de ces contrées inspiraient déjà de tristes pensées à l’un des amis de Cicéron.