Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
VOYAGES.

mière navigation des Européens au Nouveau-Monde !

L’Europe était révélée à l’Amérique, il fallait aussi révéler l’Amérique à l’Europe. Colomb avait mérité la gloire, mais il ne pouvait en jouir qu’en rapportant ses titres en Espagne. L’affreuse tempête qui l’assaillit à son retour près des Açores pouvait rompre les liens à peine formés qui venaient d’unir les deux mondes. Les frêles barques chargées de son destin résistèrent à ces vagues qui devaient engloutir par la suite tant de nobles vaisseaux, mais les autres monumens de son voyage furent anéantis. La mer ne nous a point rendu le précieux journal confié à ses flots courroucés, et les armes des Indiens n’avaient accordé qu’une courte existence à la petite colonie laissée à Hispaniola.

Le Portugal reçut le premier les pavillons triomphans du héros dont naguère il avait dédaigné les inspirations ; mais la perte de la moitié du monde devait être une leçon inutile : quarante ans plus tard il refusait encore de seconder le génie de Magellan. Il semble qu’il lui suffisait d’avoir reculé le premier les bornes de l’univers, et d’avoir produit à la fois un Gama et un Camoëns.

Pendant l’absence de Colomb, l’attente avait été bien vive, mais au bout de neuf mois l’enthousiasme du succès transporta les plus incrédules. Jour à jamais fameux où des Américains foulèrent de leurs premiers pas le sol de l’Europe, où le découvreur de l’Amérique en raconta les mystères à Isabelle !

L’amiral de la mer océane se hâta de poursuivre sa grande mission, et bientôt dans une seconde entreprise autorisée par Alexandre vi, il fit connaître une partie des petites Antilles, Portorico et la Jamaïque ; mais son souvenir rappelle tristement les excès de l’affreuse