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LE BRÉSIL.

nouvelle. On cite d’eux des traits qui ne laissent rien à envier aux conquérans du Mexique et du Pérou ; mais, doués d’un courage à toute épreuve, d’une activité incroyable, et d’une merveilleuse facilité à se ployer aux coutumes des peuples parmi lesquels ils allaient vivre, ils jouissaient au milieu d’eux d’une telle estime, que le titre de Mair ou de Français était la sauvegarde la plus assurée parmi les Tupinambas. On sent toutefois que les récits de ces hommes grossiers ne pouvaient être ni bien exacts, ni bien exempts de préjugés : aussi, vers le milieu du xvie siècle, des idées fort étranges s’étaient-elles répandues en France sur ce pays. Les cosmographies du temps (et je ne sais trop si celle de Munster n’en offre pas un exemple), nous représentent les indigènes du Brésil débitant la chair humaine sur un étal, comme nos bouchers débitent la chair des bestiaux. Enfin Lery parut, et ces contes absurdes trouvèrent moins de crédit : doué de l’esprit le plus observateur et d’une âme pleine de poésie, ce voyageur comprit admirablement les nations parmi lesquelles il vivait et la nature sublime dont il était environné ; il fait presque pleurer d’attendrissement quand on le voit chantant des psaumes au milieu des belles forêts du Brésil, et quand, dans son effusion pleine d’enthousiasme, il fait partager le sentiment dont il est animé à deux Indiens qui l’admirent sans le comprendre. C’est chez lui que sont décrites pour la première fois, avec quelque soin, les productions naturelles du pays ; c’est chez lui qu’on apprend à juger ces nations méconnues jusqu’alors, qui joignaient au plus ardent courage les plus nobles et les plus touchantes qualités, et chez lesquelles on est effrayé de rencontrer l’horrible coutume de l’anthropophagie comme un fait