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L’ENFANT MAUDIT.

ses appréhensions secrètes, reporta soudain les yeux vers deux fenêtres en ogive qui étaient au bout de la chambre ; mais la petitesse des vitraux et la multiplicité des lames de plomb ne lui permirent pas de s’assurer, par l’état du firmament, si la fin du monde approchait, comme le prétendaient quelques moines affamés de donations. La comtesse aurait pu facilement y croire, car le bruit de la mer irritée, dont les vagues assaillaient les murs du château, se joignit au mugissement de la tempête, de manière à faire trembler les rochers. Cet effort de la nature réveilla de nouvelles douleurs dans les entrailles de la future mère. Alors, sans jeter une plainte, elle se tourna lentement vers le crucifix, et après avoir mis, par un regard, toutes ses espérances en Dieu, elle osa contempler la figure de son mari.

Quoique ses souffrances se succédassent toujours plus vives et plus cruelles, elle se tint appuyée sur ses deux mains fatiguées, sans pousser un cri, sans se hasarder à réveiller son protecteur naturel, dont toute autre femme, à sa place, aurait énergiquement réclamé le secours.

Elle se mit à examiner, avec une curiosité mêlée d’effroi, des traits qu’elle avait toujours eu peur d’analyser. Il semblait que le désespoir pouvait seul lui conseiller d’en sonder les mystères.

Si les choses étaient tristes autour d’elle, cette figure, toute calme qu’elle pût être dans le sommeil, paraissait plus triste encore, et jamais habitation ne fut plus digne du maître. Agitée par les coups de vent, la flamme ondoyante de la lampe venait mourir sur les bords du lit ; et, n’illuminant la tête du comte que par momens, les caprices de la clarté mouvante simulaient sur ce visage en repos les effrayans débats d’une pensée orageuse. Un tel spectacle fit d’abord peur à la comtesse. À peine fut-elle même rassurée en reconnaissant la cause de ce phénomène. Chaque fois qu’une nappe de lumière arrivant sur cette grande figure y projetait les ombres des nombreuses callosités qui la carac-