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ÎLE DE JAVA.

Ils partirent en effet le jour indiqué. Lorsqu’ils furent isolés au milieu des bois, le Malais, chargé des armes, s’arrêta soudain, et fixant des regards furieux sur son maître, lui dit avec une fureur concentrée : « Depuis que j’ai pu marcher, je t’ai toujours suivi, sur terre, sur mer, partout enfin ; tu as eu en moi le plus zélé serviteur. Tu m’as été en plusieurs circonstances redevable de la vie, et en agissant aussi bien envers toi, je ne pouvais cependant te peindre tout l’excès de mon attachement. Loin de trouver en toi les sentimens reconnaissans sur lesquels je devais compter, tu m’as outragé avec la femme que je chéris, et tu ne crains pas de faire périr de douleur le compagnon fidèle de tes dangers. L’enfer repose dans mon cœur ulcéré depuis plusieurs mois ; aujourd’hui seulement je trouve l’occasion de lui donner l’essor. Tu vas mourir, maître ingrat et cruel, je vais t’immoler à ma vengeance ; mais je sens que je t’aime encore malgré ta perfidie, aussi ne pense pas que je puisse te survivre ; mon cris m’aura bientôt délivré d’une existence que je ne saurais plus supporter. »

Le malheureux exécuta sur-le-champ sa terrible menace. C’est lui-même qui raconta ainsi les détails de cette scène affligeante à plusieurs montagnards qui, en traversant la forêt, le trouvèrent gisant à côté de sa victime, et donnant encore quelques signes de vie.

Certes les dames créoles sont loin d’égaler la froide cruauté de ce frénétique, mais la jalousie