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LES AÉROSTATS.

taient perpétuellement, sa bouche se tordait en rires sardoniques, et sa tête chauve oscillait lentement d’une épaule à l’autre.

Indigné d’un langage mimique si désapprobateur et si peu en harmonie avec ce que j’éprouvais, je m’approchai de cet être singulier.

— Vieux barbon, m’écriai-je, tu devrais t’estimer heureux d’avoir assez vécu pour assister à un pareil spectacle !

— M’estimer heureux ! répliqua le nain avec un nouveau sourire railleur ; ô fils aveugle d’un siècle peu clairvoyant, je te plains, et je me tais !

— Tu peux me plaindre tant qu’il te plaira, mais pourquoi te taire ? Ce n’est pas le défaut ordinaire de la vieillesse.

— Mais qu’entends-tu donc par le mot vieillesse ?

— Tout ce qui, comme toi, porte sur son dos les quatre cinquièmes d’un siècle.

— Les quatre cinquièmes d’un siècle ! Ha ! ha ! ha ! aurais-je jamais pensé qu’on eût pu me prendre pour un blanc-bec de cet âge ?

— Un blanc-bec de quatre-vingts ans ! tu veux railler !

— Jeune homme, reprit vivement le vieillard, mon fils unique fut tué par une tuile lors de la fondation de Ninive. Mon miroir, qui me flatte moins que toi, semble me dire que j’ai à peine atteint un âge moyen de deux mille ans ; mais la vérité est que j’en compte bientôt six mille, et je confesse hautement que c’est à la pierre philosophale que mon ami Hénoch m’a communiquée avant de monter au ciel, que je dois la faveur d’un si grand âge. Je n’ai formé que peu d’élèves dans ma vie, mais quelques-uns ont fait honneur à leur maître, et je