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Les Aérostats


……… Alors on coupa la corde. Soudain le ballon s’éleva avec majesté, favorisé par les vents, et l’on vit flotter le pavillon qui surmontait la nacelle bariolée de mille couleurs. L’audacieux qui y était placé, agitant dans l’air son chapeau, saluait cinquante mille individus qui le contemplaient bouche béante, et dont les cent mille mains témoignaient leur admiration par un tonnerre d’applaudissemens. Confondu au milieu de la foule, j’étais ému jusqu’aux larmes par la grandeur et la nouveauté du spectacle auquel j’assistais, et quand le pilote aérien se perdit tout-à-fait dans les nues, moi je me perdis en méditations sur la profondeur de l’esprit humain.

Un petit vieillard d’une figure extraordinaire, et qui n’avait plus la force de supporter l’immense colonne d’air qui pèse sur chaque homme, se dressa tout à coup devant moi comme une apparition, et vint m’arracher à ma silencieuse rêverie. Dire à quelle race d’hommes appartenait cet avorton, cela me serait impossible : à sa barbe blanche on l’eût pris pour un musulman : à ses traits, pour un brame de la côte de Malabar ; à son costume, pour un Grec du temps d’Apollonius de Thyane. Ses petits yeux pointés vers les nues cligno-