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VOYAGES.

per à mâcher plus à son aise cette drogue, qui me paraissait aussi dégoûtante que désagréable. Pour second service, on me présentait, dans deux vases de bois grossièrement travaillés, du riz cuit à l’eau, et des sardines salées, mélangées avec des herbes. Dans un troisième vase, on mettait de l’eau où je mouillais mes doigts, qui me servaient de cuillère et de fourchette pour manger le riz, et afin qu’il ne s’y attachât pas. Je ne vécus pendant plusieurs jours que de cette triste nourriture, ne buvant que de l’eau pour me soutenir dans mes courses. Dans un pays aussi redoutable que celui de Java pour les Européens, une telle nourriture ne pouvait tarder à devenir nuisible à ma santé. Je ne doute même pas qu’elle ne m’eût fait succomber, si notre séjour dans cette île se fût prolongé encore de quelque temps. Le malaise et les fatigues que je ressentais me l’annonçaient évidemment.

Un jour mon conducteur me mena coucher, à cinq lieues de Sourabaya, chez un tomogon (l’on appelle ainsi les princes du pays). Je trouvai ce petit seigneur assis sur ses talons, et placé sur une table de bambou. Mon guide, à sa vue, fit comme tous les naturels du pays, il se prosterna contre terre à dix ou douze pas de son chef. Celui-ci, après avoir interrogé mon compagnon de voyage sur le motif qui m’amenait dans ses domaines, se leva, vint au-devant de moi, et, me prenant par la main, me conduisit auprès de la table où il était à prendre du thé. Il en demanda ensuite pour moi, et me le fit