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EUROPE.

Des divertissemens variés avaient été préparés. Sur la place du palais, où étaient allumés des feux assez nombreux pour l’éclairer, des danseurs de corde italiens ont donné une représentation à la foule immense accourue pour jouir de ce spectacle nouveau pour elle : dans l’intérieur, des danses turques et des ombres chinoises ont terminé la soirée, à laquelle s’étaient rendus un nombre considérable d’Européens qui étaient venus grossir celui des convives. Ils se sont retirés à dix heures, charmés de la cordialité pleine de grâce qui a présidé à cette fête, dans laquelle on a vu pour la première fois, à Smyrne, l’autorité musulmane réunir chez elle et associer à ses plaisirs la société européenne. On ne saurait assez encourager cet esprit de fraternisation qui commence à s’introduire chez les Turcs, et nous devons féliciter S. Exc. Omer Lutfi d’avoir eu l’heureuse idée d’imiter en cette circonstance l’exemple donné récemment par les principaux personnages de la cour du sultan.

C’est une grande circonstance chez les Turcs que le mariage d’un fils. En opposition avec nos mœurs, c’est sa famille qui fait tous les frais ; et quand elle occupe un rang élevé, ces frais sont très-considérables. Il est vrai que la majeure portion est employée à faire participer le peuple à l’heureux événement, car en Turquie le peuple n’est jamais oublié dans les réjouissances des grands. Pendant trois jours, plusieurs centaines de familles sont nourries aux dépens de celle qui célèbre la nouvelle situation d’un de ses membres, et de nombreuses aumônes sont distribuées en son nom. Mais ce qui n’est pas moins remarquable, jamais on ne va chercher la jeune compagne dans une famille plus riche et plus puissante ; l’homme doit conserver une influence morale sur celle qu’il associe à son sort ; elle doit, dès le premier jour, le regarder comme son protecteur et son bienfaiteur, comme celui qui, étant le plus fort, le plus important des deux, donne et ne reçoit pas. Cet usage a un caractère de vérité philosophique qui est dédaigné pourtant chez beaucoup de peuples plus avancés en civilisation.