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LETTRES SUR LA GUADELOUPE.

bientôt le tableau des ruines que l’on apercevait de la rade se présenta de nouveau. Ici des maisons entièrement abattues, là des toits enlevés, plus loin l’église principale presque détruite. Vous ne pouvez vous figurer, monsieur, les ravages de ce terrible ouragan. Je ne sais s’il a changé l’aspect de la colonie, mais je suis loin d’y trouver la plus petite apparence de luxe. Je cherchais des yeux ces habitations magnifiques, ces eaux bienfaisantes, rafraîchissant la ville ; je ne trouvais que des décombres, des arbres déracinés, et un torrent qui, dans sa course impétueuse, avait entraîné une rue tout entière !

Ce spectacle continuel de dévastion me pesait, je voulais lui échapper ; je sortis de la ville, et me trouvai près de la résidence du gouverneur, à ce que m’apprit un soldat. Je lui demandai où était le palais du représentant du roi. Il me montra une misérable maison de bois. Le gouvernement avait été détruit par l’ouragan. C’est là qu’on est à même de voir des effets inouis de sa violence : ils passent l’imagination ; une grille de fer, en forme de cintre, enlevée avec ses énormes plateaux, et jetée dans le jardin du gouvernement ; des barres de fer tordues et cassées, des casernes qui venaient d’être construites et dont il ne reste pas vestige, des édifices publics bouleversés de fond en comble.

Je plaignais les hommes forcés d’habiter ce climat brûlant, au milieu des débris de leurs propriétés. Je comparais leur sort à celui des malheureux Salinois. Ils me semblaient encore plus dignes