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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

les murs, argente les toits de plomb et la brillante aiguille du clocher !

Je vous le dis, tout est silence ; on distinguerait le vol d’un papillon de celui d’une abeille.

Tenez ! n’entendez-vous pas les violentes pulsations d’un cœur qui bondit, et les élans d’une respiration saccadée ? n’entendez-vous pas jusqu’au souple et frais gazon crier sous le léger fardeau qui le presse ?

Glissez-vous derrière le chevrefeuille qui entoure ce beau palmier de ses guirlandes de pourpre… Voyez… Vrai Dieu ! c’est la Monja ! c’est le Gitano !

Un pâle et faible rayon de la lune se jouait sur ce joli groupe. Le Bohémien était assis aux pieds de la nonne, ses coudes sur les genoux de la jeune fille, et il souriait avec amour à cette tête d’ange, et se prêtait aux caprices enfantins de la Monja, qui tantôt voilait ce front large et élevé, tantôt le découvrait en écartant son épaisse chevelure.

— Ange de toute ma vie, dit enfin Rosita, je voudrais mourir ainsi, dans tes bras, mes yeux fixés sur les tiens, mes mains dans les tiennes !

— Non pas moi, mon amour ; c’est ainsi que je voudrais toujours vivre, répondit le Gitano.

— Oh oui ! toujours vivre ainsi, car vivre, c’est être près de toi ; vivre, c’est t’aimer… Aussi ma prière de chaque soir est que la Vierge protège nos amours, caro mio !

— Elle les protège aussi, cher ange : vois, tout nous sourit.

— Pourtant te souvient-il de cette tempête ? Jésus ! quelle frayeur en te voyant escalader les murs à la lueur des éclairs, pour regagner ta chaloupe ! Le ciel était en feu, sainte Vierge ! et je vis plus tard, aux blessures de tes mains, que tu avais été obligé de t’attacher aux rochers aigus, au risque d’être enlevé par les lames furieuses.

Et encore tremblante du danger passé, elle s’enlaça fortement de ses deux bras, comme si elle eût voulu se soustraire à un péril imminent. — T’en souviens-tu ? dis…

— Non, mon ange, je ne me souviens que du baiser que tu me donnas en me disant adieu.

— Te souviens-tu de la course de taureaux ? du jour où je te vis dans la plaine qui s’étend dans le cloître ? Oh ! comme mon cœur