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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

quart de nuit quand la pluie tombe sur le pont par torrents, quand la bourrasque souffle dans les haubans et fait siffler les drisses des pavillons déchirés par l’ouragan ; lui aussi a vu la mer en fureur battre les flancs du navire, entrer par les sabords, et l’abîmer dans son immensité.

L’ouvrage de M. Sue forme, pour ainsi dire, deux romans jumeaux, que l’auteur a liés par deux noms de personnages fort secondaires. Dans le premier, c’est le hardi Gitano qui promène dans la Méditerranée sa terrible tartane aux voiles rouges, l’effroi des douaniers espagnols ; dans le second, c’est le farouche pirate Kernock, bas-breton renforcé qui vous tue un homme avec autant d’aisance qu’il avale un verre d’eau-de-vie. Dans la première partie, peut-être pourrait-on reprocher à l’auteur quelques affections de phraséologie de l’école nouvelle ; et pourtant quelles belles pages ! Quel tableau animé que ce brillant amphithéâtre, cette arène poudreuse où le taureau, après avoir éventré quelques toréadors, se promène fier et haletant, défiant ses ennemis au combat. Personne ne se présente, la foule fait retentir les airs de ses applaudissemens. Tout à coup paraît le Gitano monté sur son léger Iskard ; l’animal fringant évite d’un bond son terrible adversaire. Le Gitano ne voulait que voir un combat de taureaux ; mais il aperçoit une figure comme il n’y en avait pas d’autre dans toutes les Espagnes, une colombe du Seigneur ; il s’approche de la vierge : Pour vos beaux yeux azurés, dit-il, et il s’élance dans