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LA MER.

comment briser les tables d’une impérieuse loi ? Il me faut retourner dans la fange des villes, au milieu d’êtres jaloux, malfaisans ; j’entendrai de nouveau les débats haineux de la politique, et l’éternelle clameur des passions humaines !


XVII.

Partout l’homme ressemble à l’homme, je le sais : mais le voyageur du moins peut plier sa tente ; il fuit, quand il veut l’air corrompu des cités. Il est fier, il est heureux le voyageur ! car il se sait libre, car il sent délicieusement la vie… soit qu’il écoute les frémissemens de la tempête, soit qu’il s’endorme au désert, sous l’ombrage des oasis…


XVIII.

Mais porter toujours le poids de la même chaîne, traîner toujours la même existence ; voir toujours les mêmes cieux, la même terre, les mêmes hommes ; n’avoir pas même un peu de gloire pour se consoler !…


XIX.

Passer ignoré, inconnu ; suivre l’immense troupeau qui vit sans but, qui meurt sans bruit ; marcher dans l’étroit chemin de ses pères, et descendre dans le même tombeau… Serait-ce l’avenir qui m’attend ?…


XX.

Cependant roulez toujours, flots voyageurs, symboles sublimes de l’éternel mouvement ! Allez où vous pousseront les tempêtes ! d’un pôle à l’autre baignez tous les rivages ! Encore quelques années, et je ne pourrai plus vous voir… Je rejoindrai la génération qui s’écoule. J’irai dormir, oublié, près de ceux qui ne sont plus…