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LÉNORE.

Mais pourquoi tant tarder et laisser ainsi ta fiancée ?

— Parti de la Bohême, lorsque la cloche de la nuit frappa la première heure, j’arrive près de toi rapide comme la pensée… Il me faut repartir ; le temps presse, viens avec moi, ô ma fiancée.

— Il est si tard, mon ami, dit la jeune fille, le vent est si froid, la feuille des bois s’agite et tombe, et l’orage paraît s’approcher à grands pas ; entre plutôt chez ton amie.

— Enfant, que fait la nuit ? que font les vents ? Je ne puis m’arrêter en ces lieux ; mon noir coursier me presse : entends-tu la terre trembler sous ses pas ? Viens, ne perds aucun instant ; Lénore, monte en croupe, partons, encore cent milles à faire pour te mener à ton lit nuptial. — Quoi ! rien ne peut t’arrêter, et cent milles à franchir, nous n’arriverons jamais ! — Viens, te dis-je, partons ; vois-tu ces vastes plaines qu’il nous faut traverser ?… Partons, je suis rapide comme l’éclair qui déchire la nue ; viens, le lit nuptial t’attend. — Ta demeure est bien éloignée ! Ne peux-tu la laisser pour une autre ?

— Non, elle fut faite pour moi ; elle est petite, à l’abri des frimas, et le sapin du Nord l’entoure dans tous les sens.

— Mais, dis, y tiendrons-nous tous deux ? — oui, tous deux !… Ne tarde donc plus, monte sur mon coursier, arrivons au festin, les convives sont là qui t’attendent, et la demeure tranquille est ouverte pour ma fiancée.