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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

Du grand Frédéric l’épée est suspendue au temple de la paix. Le soldat revient joyeux, et cherche des yeux le clocher de son village, où l’attend son vieux père… Il va retrouver celle qu’il aime… Tout le monde est heureux, et tu ne viens pas tarir mes larmes !

L’infortunée Lénore soupire, se plaint, attend toujours, mais c’est en vain ; Wilhem ne revient plus ! Désespérée, elle accuse la Providence… Sa mère inutilement la presse sur son cœur. — Ma fille, lui dit-elle, sache supporter les maux que le ciel t’envoie. — Ma mère, laissez-moi, répond la jeune fille égarée, que parlez-vous du ciel ?… Avec Wilhem, oui, toujours le ciel ; sans Wilhem, l’enfer !…

C’est ainsi que, dans son désespoir, elle osait provoquer l’anathème de celui qui peut tout ; elle meurtrissait son sein, et appelait la mort à grands cris…

Cependant la nuit s’avançait. Il était tard, et les astres brillaient aux cieux ; le silence le plus profond régnait… Écoutez… C’est le bruit d’un cavalier… Il s’arrête… Le marteau se lève… Il retombe, et le coup fait tressaillir Lénore… Écoutez… On parle… — « Ouvre-moi, Lénore ; dors-tu, ma fiancée ? Mon absence ne te tient-elle pas éveillée pour gémir ?… »

— C’est Wilhem, dit Lénore, et elle s’élance vers la grande porte du manoir. — C’est toi, mon ami, mon bien, que je t’ai pleuré ! mes jours étaient sans repos, et mes nuits sans sommeil…