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HISTOIRE MODERNE.

de Fabvier a été impuissante, ne sont pas d’une nature accidentelle ; ils tiennent au fond même des choses. Quand on rencontrerait un gouvernement qui voudrait sincèrement créer et maintenir une armée régulière, qui ne détournerait point les richesses de la nation, et les emploierait avec scrupule à constituer ce qui peut seul faire sa force, il n’en resterait pas moins la répugnance, naturelle à tous les Grecs, pour un régime régulier, la préférence qu’ils donneront toujours à la vie indépendante des palikares, et si le gouvernement, s’obstinant de plus en plus à réformer ces habitudes, parvenait enfin à extirper cette race de bandits qui absorbe toute la richesse du pays, et le désorganise tous les jours sans donner le moindre appui à sa défense, il resterait encore la puissance de l’habitude et le cortége des préjugés qui inspirent aux Grecs une terreur profonde de leurs ennemis, qui font qu’ils n’ont aucune confiance dans leurs voisins, qu’ils ne comptent jamais que sur eux seuls, qu’ils ne voient de ressource que dans l’isolement ; enfin qu’ils n’ont aucune idée de ce courage d’élan qui brave le danger ouvertement. C’est ce courage qui a toujours donné aux Turcs la supériorité sur eux, et du moment où il manque, il semble à peu près impossible d’organiser une armée dont on puisse attendre quelque chose. D’après tous ces motifs, j’ai l’intime conviction qu’on se trompe infiniment quand on veut organiser en Grèce une armée régulière, dans le but de l’opposer aux Turcs.