Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
SOUVENIRS DES CÔTES D’AFRIQUE.

rentrée exacte de leurs fonds accusent les nègres de mauvaise foi ; ces derniers ont peine à comprendre nos calculs d’intérêts, et d’intérêts de l’intérêt. Il est très-rare qu’un nègre renie une dette ; quand il a été heureux dans la vente des marchandises prises à crédit, il vient payer de suite ; mais s’il a fait de mauvaises affaires, il ne peut concevoir qu’on le persécute pour obtenir de lui ce qu’il n’a pas ; si la transaction s’est passée entre nègres, il raconte son histoire, demande et obtient du temps, et le créancier ne tourmente son débiteur que long-temps après ; quelquefois il laisse écouler plusieurs années avant de se saisir de quelque chose qui appartienne à ce dernier. Mais l’européen poursuit, et s’empare aussitôt de ce qu’il peut trouver : cette manière d’agir semble très-dure au nègre, parce qu’elle n’est pas dans ses mœurs ; souvent il se soustrait à ce qu’il regarde comme un acte arbitraire, et de là vient l’accusation de mauvaise foi portée contre lui.

Je crois donc les nègres de bonne foi dans les affaires et dans les traités ; pourtant ils sont voleurs envers les européens. Pour concilier ces deux idées, je dois prendre des exemples chez nous : un fonctionnaire public grossira, sur les fonds du gouvernement, ses dépenses de représentation ; un commis d’administration se fournira au bureau de plumes, d’encre, de papier ; et cependant le fonctionnaire et le commis seraient indignés si on les accusait de vol. Ces honnêtes gens