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LETTRES SUR L’INDE ANGLAISE.

par prendre un maître de langue, pour connaître l’idiome du pays, dont la singularité vous promet d’assez grandes difficultés. En effet, il n’en existe pas sur la terre où l’on se serve d’autant de figures et de métaphores que dans ceux de l’Orient. En Europe, la manière dont on prononce une phrase en détermine souvent la signification, et il en est de même dans presque toutes les langues ; mais dans l’Orient, c’est l’expression elle-même qui change la pensée, selon qu’elle s’adresse au prince ou au paysan. Cette distinction, du reste, plus ou moins universelle, est encore plus sensible dans les îles de l’Inde que sur le continent. Vous aurez déjà remarqué qu’on ne vous parle qu’à la troisième personne, ainsi que nous usons en Europe envers les personnes titrées que nous appelons : Votre Altesse, Votre Excellence, Votre Seigneurie. Telle est la forme adoptée dans l’Inde parmi les gens bien-élevés, qui n’emploient la seconde personne qu’envers des inférieurs et des subalternes. Quand aux classes moyennes de la société, et d’un rang égal à celui de la personne qui leur parle, la politesse exige qu’on ne s’adresse à elles qu’en les appelant par leur nom, et si on l’ignore, on doit chercher adroitement le moyen de le leur faire prononcer. L’usage de donner aux individus des titres qui ne leur appartiennent pas est beaucoup plus général dans l’Inde que parmi nous. Ainsi, presque toujours on appellera un simple soldat capitaine, et un paysan hoh patail, c’est-à-dire monsieur le fermier. Ces nuances, qu’à la rigueur