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SOUVENIRS DES CÔTES D’AFRIQUE.

autorités du pays ne verraient-elles pas ce qui se passe sous leurs yeux et dans leur port ?

Il est de toute justice d’ajouter que probablement, en Angleterre, ceux qui ont fait établir des primes pour la libération des nègres avaient des vues philanthropiques, et que les grands abus qui existent ne proviennent que de ce qu’on en a fait un objet de spéculation pour la marine ; mais toujours est-il que ces abus existent.

La conduite des Anglais à l’égard du capitaine négrier que j’ai vu à Sierra-Léone est celle qu’ils tiennent envers tous les négriers français qu’ils peuvent saisir. Ne trouvant point au capitaine capturé des expéditions étrangères, cette circonstance les arrête peu ; ils lui proposent cent livres sterling une fois payées, ses frais remboursés à raison de vingt francs par jour, et son passage gratuit pour le lieu où il voudra se rendre ; ils lui représentent que, si le navire est reconnu comme français, ils seront à la vérité obligés de le rendre à un de nos bâtimens de guerre ; mais que, dans ce cas, non-seulement il perdra tout, mais qu’il sera condamné à dix années d’exil. Si le capitaine consent, on l’appelle au tribunal : là, il déclare qu’à l’insu de son équipage il avait des expéditions étrangères et qu’il les a jetées à la mer ; sur cette simple assertion le navire est déclaré de bonne prise. Si le capitaine refuse de faire une déclaration semblable, alors commence contre lui une série de menaces et de persécutions odieuses. On lui déclare qu’on va le débarquer à Fernando-Po, et qu’on l’y retiendra un an et un