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CORRESPONDANCE ET NOUVELLES.

flattés par les mêmes hommes et par les mêmes espérances, auxquelles la folie ou la malveillance mêlaient un nom auguste. L’impulsion une fois donnée, chacun, après avoir pris ce qu’il avait de plus précieux, était accouru aux environs de Bourgas, afin de suivre l’armée ; d’autres sont déjà partis pour la Bessarabie, la Moldavie, la Valachie, de sorte que des bourgs et des villages entiers étant abandonnés avec les gros meubles, sont devenus la proie des gens sans aveu, qui, en attendant d’obéir eux-mêmes au mouvement général, se sont livrés au pillage et à tous les excès.

» Dès que la porte n’a pu continuer à voir ces désordres avec indifférence, il paraît qu’elle en a fait part à M. l’ambassadeur de Russie, et les officiers supérieurs de l’armée ont, dès ce moment, employé leur influence à dissuader les Grecs et les Bulgares, en désavouant formellement les promesses faites au peuple par des gens qui n’avaient pour cela aucune mission. L’affaire a paru assez sérieuse pour devenir l’objet de négociations entamées entre des agens des deux puissances. En attendant leur résultat, l’archevêque grec avait été chargé par le visir d’employer tous les moyens de persuasion pour arrêter l’émigration, contre laquelle le maréchal Diébitsch et tous ceux qui l’entourent se prononcent publiquement et avec énergie. Mais, sous prétexte de n’avoir rien pu gagner sur l’esprit de la multitude, et de la nécessité où le mettait ce mauvais succès de songer à sa sûreté, l’archevêque lui-même a émigré, et sa famille a quitté sans empêchement le territoire ottoman. Toutefois, comme résultat de sa mission, ce prélat a fait dire au visir que si la Porte voulait retenir les Bulgares, elle n’avait qu’à leur accorder :

1o Qu’aucun Turc ne pût être domicilié dans leurs bourgs et villages ;

2o Que l’ayan qui serait nommé pour juger leurs différends ne pût rien décider sans le concours de leurs primats ;