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LA GRÈCE EN 1829.

Le genre de piraterie que je viens de signaler portait des coups bien funestes au commerce ; mais il eût encore été heureux que le désordre se fut arrêté là. À la faveur de tant de troubles, les insulaires de l’Archipel armèrent des barques pour piller sans distinction tout ce qu’ils pouvaient rencontrer. Il était extrêmement difficile de les atteindre. Dans les lieux de passage obligés pour les bâtimens, les forbans se mettaient en observation sur une montagne ; apercevaient-ils un navire de commerce retenu par le calme, ils se dirigeaient sur lui avec leurs barques à avirons ; ils profitaient, s’ils le pouvaient, des ombres de la nuit, cherchaient à l’attaquer par la poupe, afin d’éviter le feu des petites pièces d’artillerie qu’il pouvait avoir, et l’enlevaient à l’abordage. Il n’est sorte d’horreurs que ces brigands ne commettaient. Ils massacraient les équipages avec des recherches de cruauté inouies, coulaient bas le navire, ou s’ils étaient plus humains, se contentaient de mettre leurs captifs à la torture, pour les forcer d’indiquer l’endroit où l’argent était caché, de les dépouiller de tout ce qu’ils possédaient, vivres, habits, agrès de bâtiment, et les abandonnaient ainsi à la merci des flots. Ces détails sont bien loins d’être chargés ; ils sont tous avérés, non par quelques faits isolés, mais par une foule d’exemples. Je les rappelle ici en peu de mots, — leur énumération comprendrait des volumes[1].

  1. Pour savoir des gens de l’équipage dans quel endroit l’argent était caché, il n’est pas de tortures qui n’aient été employées,