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HISTOIRE.

réduit les classes pauvres, qui n’avaient que ce moyen de subsistance, les a occasionnées quelquefois ; mais il est de fait qu’il y a eu connivence de toutes les classes. En ne distribuant rien aux matelots de l’argent qui leur venait de l’étranger, soit des emprunts, soit des comités philhelléniques, les primats ont augmenté cette misère. L’ordre qui se rétablissait chez eux immédiatement après ces émeutes passagères, l’organisation des tribunaux de prises, enfin des faits notoires et avérés relativement à plusieurs d’entre eux, ne permettent pas de douter qu’ils n’aient aussi pris part à la piraterie ; car tel est le seul nom qui convienne à ce renversement de tous les principes, et à ces abus scandaleux de la bienveillance que l’Europe témoignait aux Grecs.

Un fait positif qui doit bien diminuer la valeur des excuses qu’on allègue en leur faveur, c’est que cette habitude de piraterie a très-souvent mis en danger la cause nationale. Je pourrais citer plusieurs circonstances où des armées navales, qui étaient chargées de s’opposer à quelque opération importante des Turcs, se sont dispersées au moment décisif, pour se livrer à la piraterie. C’est ce qu’on a vu, entr’autres, au fameux siége de Missolonghi. La flotte grecque était réunie dans ces parages, et communiquait avec la place ; mais la croisière n’était guère profitable ; la piraterie l’était au contraire beaucoup : en un instant l’armée se dissipe. Les renforts et les provisions qu’on envoyait à la place tombent entre les mains des Turcs, et Missolonghi succombe à son tour peu de jours après.