Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 2.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
LA GRÈCE EN 1829.

devenue bientôt piraterie. Quelques petites pièces de canon armèrent leurs bâtimens ; les matelots ne manquaient point, et ils prirent les Turcs au dépourvu. Ceux-ci étaient alors dans le plus grand embarras ; leur marine n’existait déjà plus avant de combattre.

Le Turc, dont le caractère est apathique dans l’habitude de la vie, et qui n’a de bonheur que dans le repos, a la mer en horreur. Aussi le sultan n’a-t-il jamais trouvé de matelots que parmi ses sujets grecs. Les officiers seuls et quelques troupes embarquées étaient turcs, et n’ayant jamais vu la mer, ils étaient obligés de s’en rapporter aveuglément à l’équipage qui était grec. Aussi le moindre danger était-il, à bord de ces bâtimens, le signal de la plus grande confusion. Au milieu des vociférations des Turcs, qui s’écriaient qu’ils étaient trahis, sous la menace du poignard et du pistolet, c’était sur le pilote seul que reposait le salut de tous ; c’était lui seul qui ordonnait les manœuvres les plus délicates. Cependant la marine impériale se montrait encore chaque année dans l’Archipel. Le 23 avril, jour de la fête de saint Georges, révéré aussi comme un saint chez les Turcs, le capitan-pacha sortait des Dardanelles. Pour plus de sûreté, il laissait ordinairement à Ténédos son vaisseau, dont il répondait sur sa tête, et avec quelques frégates et bâtimens légers, il faisait sa tournée dans l’Archipel, pour y recueillir les tributs d’usage. Une pareille marine devait, comme on pense, être bien peu propre à se mesurer en ligne, et elle l’a prouvé à Tchesmé, en 1770.