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horrible, et si l’on y ajoute la faiblesse produite par la faim, la fatigue et les angoisses des trois jours qui précédèrent la cérémonie, on regardera son rétablissement presque comme un miracle.

» Autant que j’en ai pu juger, aucune drogue enivrante ne lui fut administrée pour l’étourdir sur le sort qui l’attendait ; son courage héroïque et déterminé depuis le commencement de la cérémonie jusqu’au moment de l’épreuve était digne d’une meilleure cause.

Mirzapoure, 20 décembre 1828. »
A…


CALCUTTA.Ordonnance abolissant les sutties (sacrifices des veuves) dans la présidence du fort William. — Voici le texte de l’ordonnance rendue par le gouverneur général de l’Inde pour l’abolition des sutties. Depuis long-temps le gouvernement anglais songeait à prendre cette mesure ; mais les préjugés des nationaux s’y étaient jusqu’à ce mo-

    tion d’un événement dramatique qui s’est passé dans nos établissemens français de l’Inde, il y a quelque temps. La veuve d’un bramine devait se brûler. Le procureur général, M. Moiroud, mit tout en œuvre pour empêcher le sacrifice. Il fit distribuer à la bramine et aux brames les fragmens des anciens livres sacrés, où le suicide des femmes se trouve expressément défendu. Il obtint même de ces derniers la promesse qu’une modique pension serait accordée à la veuve pour subvenir à ses besoins. Enfin, après un jour entier de résistance, après avoir lutté avec le procureur général pendant plusieurs heures d’une conversation où elle déploya une énergie et une force de raisonnement incroyables, la bramine céda : mais elle déclara en même temps qu’elle était loin d’être convaincue, qu’elle avait perdu pour jamais le bonheur et le repos, qu’elle se regardait comme déshonorée à ses propres yeux et à ceux de sa famille, et qu’elle rendait le gouvernement responsable de son avenir : « Car, ajouta-t-elle, je reste inébranlable dans ma foi, mais j’ai voulu obéir au roi de France. »

    P. M. directeur.