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LE NÉCROMANCIEN.
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sions se portait fort bien, et que nous en recevrions une lettre sous peu de jours. Dès le troisième jour, la lettre arriva en effet ; la joie de ma parente s’en accrut, mais elle n’en parut pas étonnée ; la prédiction d’Isaura était pour elle vérité d’évangile. Nos visites à la rue étroite et sombre qu’habitait celle-ci se renouvelaient souvent, et insensiblement il s’établit une sorte d’intimité entre Isaura et nous. Quoique d’une figure grave et imposante au premier abord, Isaura était dans son intérieur d’une amabilité enfantine et d’une conversation pleine de charmes ; elle avait reçu une bonne éducation, et s’occupait plutôt de l’étude des bons auteurs italiens que des Centuries du fameux prophète de Saint-Rémy. Je passais des heures entières à l’écouter ; mais je ne pouvais assez m’étonner du mépris qu’elle faisait de sa profession.

Un jour nous projetâmes une partie sur le lac ; nous prîmes des provisions et nous montâmes un petit bateau de pêcheur. Il y avait long-temps qu’un spectacle aussi grandiose et aussi varié s’était présenté à mes yeux : d’un côté le Jura, de l’autre les monts Salève, dans le lointain le Mont-Blanc, et sous nos pieds cette petite mer avec ses calmes et ses tempêtes, et ses nombreuses maisons de campagne. Nous abordâmes près de la jolie ville de Thonon, vers la rive opposée, à un ermitage caché au milieu des bosquets. Il était modestement meublé, et seulement habité par un vieillard ; celui-ci embrassa Isaura, et nous accueillit avec une franche cordialité. Je m’aperçus un moment après que la