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UN RETOUR DU PRINTEMPS.

éprouver une émotion que je ne puis décrire… À peine sorti de l’enfance, j’étais déjà placé sous ce charme indéfinissable. J’aurais voulu passer tout le jour dehors, sous de grands arbres touffus. Lorsque je pouvais m’échapper, j’étais heureux de respirer le grand air, d’être là, immobile devant une prairie verte, parsemée de petites fleurs inconnues à nos jardins, de suivre avec intérêt les jeux de quelques papillons couverts de velours et de soie. Attentif au moindre bruit, j’étais ému à la chute de la petite feuille qui se détachait de l’arbre voisin, ou au faible cri de l’oiseau qui voltigeait près de moi. Je me plaisais au fond des bois sombres et éloignés. Je n’y redoutais rien, car la lâcheté me faisait honte, et la crainte n’est jamais arrivée jusqu’à moi. Je m’élançais ainsi hardiment dans la vie ; mais j’y marchais pensif et désireux des champs, et déjà le printemps, les fleurs, l’amour, les dangers, me semblaient confusément devoir être mêlés dans mes pensées d’avenir. Lorsque les frimas revenaient, je vivais mal, et je disais en soupirant : Ah ! vienne le printemps et sa douce haleine, et ses fleurs parfumées…

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Mais vous aimez aussi la saison des roses. Voyez-vous les premières blancheurs de l’aube du matin ? ce pâle azur du ciel, et puis à l’orient une ligne pourprée qui grandit ?… Regardez maintenant la cime de ce haut peuplier, et ses feuilles agitées par le vent frais du matin ! Elles se dorent, elles brillent ; le soleil va des-