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LA GRÈCE EN 1829.

Comme l’imagination se plaît à tout anoblir, on a vu, dans ces hommes incultes des patriotes qui, fuyant le joug étranger, avaient voué à leurs oppresseurs une haine éternelle, et aimaient mieux fouler les neiges d’un pied libre que de ramper servilement sous le sabre d’un maître. On est heureux de trouver dans l’humanité une pareille élévation d’idées ; pourquoi faut-il qu’elle ne soit le plus souvent qu’une saillie brillante de l’imagination ?… Il est triste d’être forcé de convenir que la vie du montagnard grec est absolument celle d’un bandit. Il déteste le travail qui lui procurerait une honnête aisance ; mais il n’en est que plus avide d’argent, et pour parvenir à ce grand but, il n’est aucun moyen qu’il néglige. Toute l’activité de son esprit est concentrée vers le vol ; tantôt il attend le voyageur au passage pour le dépouiller ; s’il est plus hardi, il descend de nuit dans la plaine pour piller tout ce qu’il rencontre, dérober les fruits, enlever les bestiaux, quel qu’en soit le maître. Tels sont les exploits racontés par les chansons nationales. On dit que chez un peuple, elles sont le type du caractère : à ne s’en rapporter qu’à elles, le vol serait celui du caractère grec, car elles le placent toujours parmi les hauts faits. S’il y a dans le voisinage quelque pacha qui récompense largement les services, on voit les patriotes grecs accourir à sa cour pour lui offrir les leurs à l’envi. Celle d’Ali-Pacha en était peuplée ; c’est parmi eux qu’il choisissait ses sicaires les plus dévoués ; c’est de là que sont sortis tous les capitaines roumeliotes qui se sont fait remarquer dans la guerre actuelle :