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VOYAGE AU JAPON.

nement pour qu’il n’en inférât pas que l’Espagne fût inférieure au Japon. Il me dit que la seule ville de Méaco contenait cinq mille temples de ses dieux, sans compter les chapelles ; j’appris aussi de lui que le quartier destiné exclusivement aux femmes publiques contenait plus de cinquante mille courtisanes. Il me fit conduire au tombeau de Taïcosama, qui est élevé dans un temple magnifique, et me montra aussi le Daybu, idole de bronze, ainsi qu’un autre superbe édifice où sont les statues de tous les dieux du Japon. Je mis trois jours à visiter ces monumens, qui étaient à une aussi grande distance de mon logement, bien que situés au milieu de la ville ; quoique je fusse parti de très-bonne heure pour m’y rendre, je ne pus être de retour que fort tard.

L’idole de bronze appelée Daybu aurait pu passer pour une des sept merveilles du monde, et même l’emporter sur elles. Elle est d’une si grande dimension, que, malgré l’idée que je m’en étais formée d’après ce qu’on m’avait dit, je restai muet de surprise en la voyant ; et songeant à l’idée que je pourrais en donner lorsque je viendrais à en parler en Espagne, j’ordonnai à un de mes gens d’aller mesurer la grosseur du pouce de la main droite de l’idole, et je vis que, quoique ce fût un homme de grande taille, il s’en fallait de deux palmes qu’il ne pût avec ses deux bras entourer ce doigt de la statue. Mais la grandeur n’est pas le principal mérite de cette idole, car ses pieds, ses mains, sa bouche, ses yeux, son front, et autres traits, ont autant d’expression et de phy-