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VOYAGE DANS LA MER DU SUD.

nambeaty s’arrêta tout court. Je lui ordonnai d’avancer ; il s’y refusa de la manière la plus positive, me déclarant qu’il n’irait pas plus loin, et que je pouvais le tuer si je voulais. Je l’en menaçai et lui demandai pourquoi il refusait d’aller jusqu’au bord de l’eau. Il répondit : « Vous voulez m’emmener vivant au bord du navire pour me mettre à la torture. » Comme il n’y avait pas de temps à perdre, je lui ordonnai de ne pas bouger, et, nos fusils toujours dirigés sur lui, nous marchâmes à reculons et gagnâmes de la sorte un de nos canots. Nous n’y fûmes pas plus tôt embarqués que les sauvages accoururent en foule et nous saluèrent d’une grêle de flèches et de pierres ; mais bientôt nous nous trouvâmes hors de la portée de leurs traits.

Dès que nous nous vîmes hors de danger, nous remerciâmes la divine Providence, et nous fîmes force de rames vers le navire, que nous atteignîmes au moment où le soleil se couchait.

Je fis au capitaine des remontrances sur sa conduite imprudente qui avait causé, sans nécessité, une aussi grande effusion de sang humain. Il chercha à s’excuser en alléguant des raisons plus ou moins absurdes, et il nous demanda si nous étions les seuls qui eussent échappé au massacre. Je lui répondis que oui, et que, si les sauvages avaient su se servir comme il faut des fusils qui étaient tombés entre leurs mains dans cette occasion, nous aurions tous été tués[1].

  1. Parmi les hommes attachés au service du navire, 14 furent égorgés par les sauvages.