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VARIÉTÉS.

lante du théâtre de Madame au plancher raboteux des plus petites salles d’amateurs ; tout ce qui parle ou comprend le français, tout ce qui est tant soit peu sensible à la peinture de mœurs prises sur le fait et toujours tracées avec le pinceau le plus fin et plus élégant, rencontre de vives jouissances dans la représentation des pièces de M. Scribe.

Je l’ai connu dans son enfance cet inépuisable fournisseur de la scène française ; j’étais dans un collége très-voisin du sien, et plus d’une fois le bruit de ses spirituelles saillies, de ces mots heureux qui trahissent l’homme, pénétra à travers les murs épais qui séparaient les deux établissemens. Chaque année, sa tête était chargée de couronnes, et, ce qui valait autant que la décision des professeurs, ses camarades confirmaient par des applaudissemens sincères la sentence de l’Aréopage scientifique. Grands et petits du collége de Sainte-Barbe s’attelaient au char du triomphateur, et le montraient avec orgueil comme le primus inter pares. M. Scribe, comme on le voit, a commencé de bonne heure ses succès populaires, et la société est devenue pour lui ce qu’étaient alors les cinq cents camarades qui le proclamaient le meilleur et le plus habile.

J’ai connu encore son premier collaborateur, M. Poirson, aujourd’hui directeur du théâtre de Madame, avec lequel j’ai débuté sur les tables du collége, dans la carrière théâtrale. Notre petite troupe, organisée à l’insu de notre vieux et respectable proviseur M. Champagne, s’était placée tout naturellement sous sa direction. Il avait déjà le coup-d’œil et le ton du maître. Tout marchait à sa voix ; il encourageait les faibles, excitait les paresseux, instruisait les moins habiles, communiquait à tous son ardeur et sa facilité de bien faire. Échauffés par ses inspirations, nous aussi nous étions fiers de notre théâtre d’amateurs, auquel accouraient furtivement nos camarades des divers quartiers du collége. Quel fut notre désappointement lorsqu’un soir, au sortir du souper, au moment